« Mon hôpital s’équipe en pathologie numérique ! » Sous ce titre, UniHA a organisé une conférence le 9 mars 2023, réunissant le Pr Catherine Guettier, chef du service d’Anatomie et cytologie pathologiques de l’hôpital Bicêtre AP-HP, le Dr Delphine Loussouarn, médecin pathologiste au CHU de Nantes, M. Alexandre Pavy, responsable du domaine applicatif au sein de la direction du système d’information du CHU de Poitiers ainsi que Nelsa Louro, du Pôle performance des usagers du numérique à l’Anap, l’agence ayant publié des guides sur ce sujet.
La pathologie numérique, c’est une révolution pour l’anatomopathologie. Alors que cette spécialité médicale s’était patiemment construite depuis le 18e siècle grâce au microscope, on peut aujourd’hui numériser la totalité des lames de verre produites et les analyser sur un écran d’ordinateur, et cela avec un recours progressif à l’intelligence artificielle. Numériser les lames en facilite la lecture et augmente la capacité de traitement. Il devient également possible de les consulter à distance, que ce soit afin d’obtenir un deuxième diagnostic ou de renforcer la couverture territoriale. La crise du Covid19 a accéléré ce besoin. Car si le nombre d’analyses d’anatomocytopathologie augmente constamment en France, celui des pathologistes diminue et ils doivent être de plus en plus spécialisés au sein même de leur discipline. Ainsi en 2020, la numérisation en anatomocytopathologie était peu déployée pour le diagnostic de routine (à l’exception des CHU de Rennes et du Kremlin-Bicêtre).
UniHA : soutenir les projets ambitieux, comme ceux d'eNovA-Path et de l'AP-HP
C’est pourquoi le groupement UniHA, premier réseau coopératif d'achats groupés des établissements hospitaliers publics français, s’est donné pour objectif d'aider les projets régionaux ambitieux, à l'image de ceux d'eNovA-Path ou aussi de l'AP-HP, ou encore des établissements seuls face à leur projet de numérisation. Plusieurs établissements ont fait confiance à UniHA pour impulser une transition vers le numérique. Un groupe d’experts s’est constitué afin de définir le cahier des charges, d’analyser les offres techniques et financières, de réaliser les essais des produits, d’auditionner les soumissionnaires et de sélectionner les références. « Ce groupe était composé de pathologistes, informaticiens spécialisés en anatomocytopathologie, ingénieurs hospitaliers, cadre supérieur de santé et acheteurs des CHU de Nantes, de Paris (AP-HP) et de Poitiers. UniHA a piloté ce dossier dans une vision d'écosystème global et pluridisciplinaire. La compétence informatique s’est associée à celle de l’anatomo-cyto-pathologiste et de l'ingénieur biomédical. Nos clients auront aussi la possibilité d’être accompagnés par des consultants internes UniHA », témoigne Pierre Tromas, acheteur UniHA en charge de ce marché.
Les porteurs du projet eNovA-Path - Pr Béatrice Vergier (CHU de Bordeaux), Drs Aurélie Charissoux (CHU de Limoges) et Olivier Renaud (CHU de Poitiers) – montrent les bénéfices de cette transformation : « C'est une révolution, un peu "crève-cœur" pour tous les pathologistes amoureux de leur microscope, mais qui permet enfin de partager, en les montrant, nos diagnostics. Cette évolution est devenue inéluctable pour répondre aux enjeux médicaux, qu'ils soient diagnostiques, pronostiques, théranostiques mais également socio-économiques et démographiques. La numérisation des lames en routine va permettre au pathologiste d'utiliser l'intelligence artificielle pour screener des cancers, faciliter des lectures chronophages de marquages immunohistochimiques, mais aussi de communiquer avec une grande facilité et rapidité entre collègues et au sein des réseaux nationaux nécessaires aujourd'hui pour une prise en charge optimale des pathologies complexes, de faire de l’enseignement, de la recherche et de trouver ainsi de nouveaux critères pronostiques ou de réponse aux traitements. »
« Aucun médecin ne souhaite revenir en arrière ! »
Pr Catherine Guettier, chef du service d'Anatomie et cytologie pathologiques de l’hôpital Bicêtre AP-HP, explique comment son service est passé en pathologie numérique complète pour son activité de routine : « Le service de Pathologie de Bicêtre multisites de l’Hôpital Bicêtre APHP- Université Paris Saclay a commencé à utiliser la pathologie numérique dès 2013 pour la réalisation des examens extemporanés de l’Hôpital Paul Brousse (250 examens par an) par télépathologie, ce qui lui a permis d’optimiser son temps médical en regroupant tous les médecins pathologistes sur le seul site de Bicêtre où était le plateau technique unique.
En 2019, fort de cette expérience et son utilisation depuis 2007 des lames numériques pour l’enseignement depuis 2007, le service est passé en pathologie numérique complète pour son activité de routine (30 000 cas par an). Cette transition qui s’est déroulée sur une période de 18 mois a été extrêmement bénéfique pour le service et aucun médecin ne souhaite revenir en arrière : amélioration du préanalytique pour une meilleure qualité des lames numériques, gain de temps médical (~15 %), notamment dans la recherche des lames, la facilité de lecture et le suivi du workflow, meilleure ergonomie du travail, confort de lecture avec une vision globale de la lame, mesures rapides et fiables, partage des lames numériques avec les cliniciens lors des staffs, demandes d’avis accélérées. »
Vers l'intelligence artificielle de prédiction
À travers sa filière Santé Digitale et Numérique, UniHA prolonge ces travaux sur la numérisation en préparant un marché consacré à l'intelligence artificielle de prédiction. Il témoignera de la convergence entre filières d’achat dans le but de structurer la politique achat, au plus proche des innovations observées dans les établissements de santé comme chez les principaux fournisseurs.
Au service d'Anatomie et cytologie pathologiques de l’hôpital Bicêtre AP-HP, le Pr Catherine Guettier souhaite bien prolonger la démarche : « L’étape suivante, qui est en cours, est l’implémentation en routine d’algorithmes d’aide au diagnostic pour un gain de temps médical et une quantification plus rapide et précise des biomarqueurs en pathologie tumorale, mais aussi d’algorithmes prédictifs, par exemple du risque de récidive des tumeurs qui apportent des informations supplémentaires à celles que peut fournir l’œil du pathologiste. »
Chef du service ACP hôpital Saint-Louis, APHP Nord, Université Paris Cité, Président du Collège des Enseignants en Pathologie, le Pr Philippe Bertheau abonde dans le même sens : « Dans nos hôpitaux de APHP nord, nous sommes en cours d’implémentation de la pathologie 100 % numérique, avec une mise en production prévue début 2024. Cette réorganisation en profondeur de nos activités permettra à 4 services ACP de CHU de travailler avec une même base de lames virtuelles, permettant des synergies multiples. La vague de la numérisation et de l’intelligence artificielle en anatomocytopathologie n'en est qu'à son début. Au-delà des effets d'annonces, il faudra privilégier sur le moyen et long terme une montée en charge évaluée par les sociétés savantes et toute la discipline, en maintenant un regard critique sur ces technologies grâce à des formations poussées des pathologistes. »